jeudi 29 octobre 2009

je hais les nautiles

J'irais bien au bord de la mer, la cote sauvage, vers Fourras. Je n'aime pas les cahutes à souvenirs de bords de mer. Je n'aime pas les coquillages vernis , les nautiles oussequ'onentend la mer dedans , je ne supporte pas l'idée de poser mon oreille contre cette plaie rose orangée.
Mon père avait un trou dans le dos, entre l'omoplate et la colonne, séquelle de tuberculose. Tous les soirs, ma mère lui refaisait son pansement. La plaie carnivore , grande comme une main, exhibait des roses éclatants de chair décapée par les désinfectants .Le premier môme qui passait par là était réquisitionné pour chasser les mouches afin qu'elles ne viennent pas se perdre dans ce corps déjà mité ...
Il se penchait en ouvrant son dos, apparaissait alors , à hauteur d'oeil d'enfant, la gueule du monstre aux lèvres nacrées et à l'haleine chlorée . La main habituée mais sans douceur de ma mère introduisait la pince à compresses au plus profond de la plaie, plongeait, lavait , rinçait , changeait la compresse jaunie par les secrétions. Il hurlait quand elle lui raclait un peu fort les muqueuses, Il toussait et recrachait la liqueur de Dakin tandis qu'une odeur de javel se rependait dans la cuisine. Je calculais tout bas le temps parcouru entre l'introduction du liquide coté pile et son expulsion coté face . Deux secondes. Boum le volcan. Ma main faisait semblant de chasser les insectes, des fois qu'une mouche aurait bien voulu tenter l'aventure, histoire de casser un peu la monotonie du rituel
Même dans cette position, Il demeurait redoutable, nous promettant les pires des sévices si nous ne tenions pas tranquille . Notre ogre à nous , celui dont dont avions hérité ; notre karma collectif, portait en lui une dégueulasse béance morbide. Ça ne l'empêchait pas de cogner, très fort.
Quand j'évite une catastrophe, quand je sors vivante d'une histoire de non-amour, quand j'échappe d'un accident de voiture, après l'onde de choc, je savoure l'infinie douceur de la vie qui vient , comme quand je retournais à mes occupations après le pansement. Oui, cette semaine , j'irai chevaucher les hippocampes géants.

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