mercredi 8 septembre 2010

Baptiste

Prononcer le P de Baptiste.Il était mon arrière grand père maternel. il était le père de ma grand mère. j'aimais son odeur de noix rance et  son tempo interne. Ce calme, j'ai l'appris ou reçu  de lui.  Je me souviens de lui, en habit noir de travail et ses godillots. Je me souviens de sa bienveillance. 
Assis sur le banc, au coin de la table de la cuisine, il cassait les noix et  les décortiquait tranquillement. De ses mains, elles sortaient  toutes, toujours entières; parfaites. ils les donnait à qui passait à coté. 
L'évier de  la cuisine, deux énormes bacs blancs haut perchés,  m'obligeait à me hisser sur son bord et me poser dessus en équilibre sur le ventre. L'exercice consistait à prendre le bon élan  pour  retomber au bon endroit de l'abdomen-  ni trop haut sur le diaphragme, ça coupe le souffle  et entraine le corps vers l'arrière - ni trop bas, sous les hanches , ça fait mal  et ça entraine vers le fond de l'évier. Premier essai .. loupé, bong ! bruit sourd,  les pieds tapent dans la porte du petit placard sous l'évier, celui où l'on planque l'eau de javel et les vieilles éponges,  qui est moche, qui pue et qui fait un peu peur parce que le siphon est le signe de l'évacuation de l'eau sale vers l'inconnu, là où il y a des bêtes, des microbes énormes et le noir. Deuxième puis troisième essai,  à chaque fois, un coup de pied dans la porte du placard. Enfin , je réussis à bien me caler, l'équilibre est bon. j'étends ma patte jusqu'au robinet et l'ouvre. Je bouche l'évier, j'attrape le gros savon de marseille blanc  et hop , ça rigole, je me lave les mains , j'adore la flotte. L'eau coule. Je ferme l'eau , j'ouvre à nouveau le robinet, je le referme et encore et encore . De la  grosse voix lente de Baptiste sort la même phrase : " ârrêêête de sagouiller ! ". Elle tombe pile poil au moment où j'en ai marre de sagouiller. Je vide l'évier et regarde l'eau disparaitre vers l'inconnu . Je redescends. ça fait mal au bide. Peut être bien qu'au passage un de mes pieds lance un bon coup dans la porte du placard. Je sors de la cuisine, au passage, je récupère une noix prête. Trois  techniques selon l'humeur-  soit d'un coup d'un seul , le plaisir entier immédiat éclatant,  la noix entière éclate dans ma bouche. pas un morceau de petit bois de noix ne se coince dans mes dents. parfait parfait - soit écrasement et mort  lente du cerneau serré entre mes dents avec, pour suite logique,  le comptage et la mesure  des  morceaux dispersés dans ma bouche - soit cassage en deux, puis encore en deux,  entre mes doigts et dégustation tranquillement assise sur l'escalier exterieur,  quart par quart. Si j'étais maintenant, j'alternerais noix/morceaux de chocolat ou bien un coup de gnôle. Les noix fraiches , c'est encore meilleur. Les noisettes rouges et longues sont mes préférées.J'aime bien observer les rapiettes folles (les rapiettes sont les petits lézards gris) sur le mur de la maison.
Le jour de sa mort , le matin , je me levais et  j'ai entendu un cri horrible de ma grand mère."AAAAAH! il est mort ".
j'ai passé ma journée avec ma tante éducatrice chez les débiles de la rue du Mouton à jouer aux échasses et à la balle. En rentrant, mes frères m'ont raconté qu'il l'avait vu sur le lit de sa chambre, mort ,  la tête entourée de bande velpo. j'ai pas voulu voir.

5 commentaires:

  1. Alphonse (le voisin) :
    -Mr Guillon ! vos petits enfants on encore jeté des boulets de charbon dans mes radis !
    Baptiste(Jean) :
    - Ils en ont jeté beaucoup ?
    Alphonse :
    - Ah ben oui !
    Baptiste
    - Eh ben comme ça vous vous chaufferez cet hiver!
    Alphonse :
    -Bah, y en n'a pas tant que ça ?
    Baptiste
    -Ben alors, y a pas de quoi en faire une histoire

    RépondreSupprimer
  2. Et qu'on ne vienne pas me dire que c'est un acte manqué, un lapsus ! Je tue !

    RépondreSupprimer