dimanche 20 décembre 2009

une bombe de Noêl

alors , je vais vous dire.
je vais vous dire le plus difficile à dire et à entendre.
j'ai fait l'objet d'abus sexuels de la part de mon père , j'avais  entre 5 et 11 ans.
Ce qui me sauve est de parler.
mais voila ça tombe comme une bombe.

C'est parti comme ça ; je lui ai écrit en octobre, sans doute par provocation ,  lui demandant  5000 euros pour m'acheter une moto. . je lui ai rappelé sur quoi repose ma réclamation: un solex promis pour mon bac promesse oubliée  mais que ma mère a assumé avec son fric à elle, celui de son boulot. Cette demande provocatrice  d'argent est la seule chose capable de l'atteindre. Je lui reclamais ce qu'il est incapable de concevoir: un cadeau.
Je lui ai également rappelé ses actes incestueux et violents.  Il  m'a repondu par courrier  qu'il déplorait notre "mauvaise relation" et qu'il en "souffrait beaucoup dans son coeur". Il me proposait d'en parler lors de sa venue le 19 décembre à Paris pour "apaiser notre relation".
j'ai lu sa lettre deux trois fois , constatant, qu'encore une fois il ne savait parler que de lui. Evidement, un silence sur ma demande. je l'ai appelé au téléphone le lendemain.
"A l'époque  j'étais fou," me dit 'il " je demande pardon, mais  que vas tu faire maintenant? quoi ? parler?mais tu veux ma mort, tu veux que je me suicide?  tu veux massacrer ma nouvelle vie avec ma femme ?" j'ai regardé les photos  de famille, tu ne laissais rien transparaitre, comment voulais tu que je devines ta détresse"....... "le passé est le passé". etc etc..
Je lui est dis que pour moi , il était grand temps de vivre donc de parler.  
Lui , comme au tribunal , avait  le droit à un avocat pour défendre son cas.
 Il est inateignable, emmuré dans sa folie qui prend la forme d'une indifférence  à l'autre. Je l'ai regardé dans son impossibilité à se sentir  responsable. Quand j'ai lu le bouquin d'Hannah Arendt, Eichman à Jerusalem, j'ai pensé à lui tout de suite.

Une amie, representative d'une certaine normalité,  m'a dit "mais ça sert à quoi maintenant  de foutre la merdre autour de toi ? il faut pardonner...". 
Ma responsabilité à moi.
La responsabilité est ce qu'il faut endosser quand on a été abusée, quand on vous vole votre intégrité, quand une grande partie de votre vie passe à étayer pour éviter la folie,  en pensant que le monde va s'arreter de tourner si on arrete de le porter
je pense que dès ma naissance , j'ai senti sa morbidité, je lui ai donné ma vie, il l'a prise , il l'a pillée. Je me suis tue donc tuée. C'est con les mômes , on ne s'en rend pas assez compte.
La première question qui vient est  " et ta mère pourquoi n'a t'elle rien fait?
" Elle n'a pu rien voir parce que  j'ai tout fait pour que rien  se sache, ne se sente. J'ai retenu mon souffle , j'ai appris la discrétion, je suis devenue maîtresse dans l'art de passer entre les gouttes. Elle n'a rien vu , point barre. Ni vous d'ailleurs, ni personne.
Lui est fini parce qu'il n'a jamais été et  je n'y suis pour rien. Je lui redonne sa mort.
Mais, pour moi,  la parole sert à  recupérer  l'espace de vie  sur terre qui m'est du, comme à chaque humain. Coming out.
je suis née un 11 avril, mais j'ai une seconde date de naissance : le 20 Décembre.


J'ai rendez vous  avec lui, à 15 h. Café La Renaissance, angle rue du Retour , à coté du cimetierre du  Père Lachaise.  
Faut toujours savoir garder un bout d'humour au fond de sa poche.

Il est 15h 40, je suis rentrée chez moi. 
je l'ai vu. je l'ai expulsé de moi. je lui ai fait baisser son oeil en pointant mon doigt vers lui comme il le  faisait quand on étaient mômes " baisse ton oeil ! ". 


En sortant du bistrot, j'ai regardé le ciel, il faisant un soleil immense dans mes yeux grand ouverts.
je suis heureuse et libérée.

14 commentaires:

  1. Lesafaker,

    Je suis fier de toi et je t'aime.
    Voilà c'est tout !

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  2. PAs facile...MAis il fallait le faire: bravo... Sans doute allez-vous vivre mieux... Vus avez osé... Je connais un peu la question, non pas personnellement mais par une femme avec qui j'ai vécu...En parler... Difficile comme il est difficile d'entendre...
    Hors landau

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  3. On vient de se quitter, et je n'en reviens toujours pas, je suis sur le cul, je suis choquée, que dire d'une chose comme ça, abominable, horrible, un crime, j'ai honte à sa place... en plus je l'ai vu ce soir, impassible, presque serein, j'avais envie de gerber... tes deux soeurs ont des comptes à régler. Je t'aime très fort.

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  4. Lui qui était si violent...C'est même grâce à lui qu'on connaît au moins un mot dans sa langue maternelle : "ceinturon"...
    Calme et serein comme un qui vient de sentir passer le boulet de canon. Mais ouf ! Ca ne dépassera pas la sphère familiale... Et ça, il s'en fout... Car rien ne l'atteint. Depuis qu'il existe, c'est sauver sa peau, d'abord. Se sauver de ce dont il fut victime (certes ou sans doute ou peut-être,de toute façon c'est pas une raison), mais aussi et plus encore des retombées inévitables des saloperies qu'il a commises, sans pourtant y être contraint, cette fois pour son plaisir...
    Ah ! le vieux fumier...

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  5. La vie, l'amour, la mort...je comprend mieux ce qu'il y avait de douloureux dans tes messages, comme si ton blog n'avait peut-ête pas d'autre finalité que d'arriver enfin à LE dire... Tes messages comme des cercles concentriques qui se rapprochent de ce crime...Voilà,c'est fait, tu es au milieu maintenant, toi et tous ceux qui t'aiment.Tu m'épates.A jeudi.
    n°19

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  6. http://fr.wikipedia.org/wiki/Perversion_narcissique.

    le bouquin " le harcèlement moral" de Marie-France Hirigoyen , décrit très bien ce "phénomène" et ses ravages mortels.
    Une forme de vitalité interne m'a permis de résister . D'autres n'ont pas cette chance. Nombre d'enfants ,de femmes, de personnes fragiles et dévalorisées à la base, tombant dans les pattes de ces meurtriers , ne s'en sortent pas.
    Cependant, tout est fait dans notre société ( je ne connais que celle là) pour que ce soit ainsi. La loi du plus fort ( encore plus fort avec la politique ultralibérale actuelle) , survalorisation de la virilité "active", femmes " passives" ou garces, enfants d'Oedipe qui ne demandent que ça. Le racisme repose aussi sur la peur de se faire déposséder des femmes, par les noirs et les arabes qui en des bien plus grosses.
    Tout ceci intégré , distillé dans chaque personne. Il aura fallu combien d'années pour que l'homosexualité ne soit plus considérée comme maladie mentale ou ne soit plus traitée comme sous-sexualité ou sexualité de pis allé. Qui peut parler en toute tranquillité de masturbation?
    Les érotismes lumineux, multiples de l'humain sont cadrés, appauvris et mis au pas par une idéologie normative et violente.

    De dieu, apprenons au plus vite aux enfants à être libres, heureux et fiers d'eux même.

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  7. la vie, l'amour, la mort est une interrogation humaine et j'espère interroger encore et encore, de manière certainement plus lumineuse , avec toujours des doutes mais nom d'un chien , de manière plus légère.
    Oui à jeudi et on va rire de bonheur.

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  8. Lesa, je vous serre sur mon coeur. J'ai écrit, moi aussi, à mon tortionnaire, hier. Et ça m'a fait un bien fou. Moi ça remonte à 10 ans. Viol conjugal. Répété. Quotidien. Il m'a bousillée. J'avais besoin d'être certaine qu'il sache. A présent il sait. A lui de ne plus dormir. Peut-être.

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  9. je constate que le déni, la bétise (la monstruosité de la bête) et l'arrogance n'ont pas de limite. je me rend compte combien il est important qu'il y ait des tribunaux et une justice.

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  10. bravo !!!!!!!ouf !! nous t'aimons tous ....!!!!!KA

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  11. et tu vas voir , on va se faire une teuf, une mega teuf pour fêter la VIE.
    et n'oublions pas qu'on en à qu'une. Je me rend compte de cette lutte permanente que l'on doit mener contre soi même pour enfin vivre. L'humain est une erreur, une horreur mais aussi porteur d'une vitalité incroyable. je crois qu'on a du mal a accepter cette vitalité comme si on était pas à la hauteur.

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  13. on ne se sent pas à la hauteur. j'ai mis 50 ans à accepter cette capacité , d'autres n'acceptent jamais et d'autres acceptent d'enmblée.
    Ces derniers béneficient de cette sagesse qui consiste surtout pas à être sage mais à se sentir à la hauteur de sa vitalité ,à se désaliéner de soi.

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