« Niches fiscales » : conçues pour abriter les plus riches. Ex : l’imposition des dividendes.
L’affaire Bettencourt aura eu quelques mérites dont celui de mettre en évidence les liens directs qui unissent le pouvoir et les puissances d’argent dans notre pays.
Mais, puisque c’est d’actualité, ne laissons pas l’affaire Woerth faire diversion. Mettre en échec la politique poursuivie par ce gouvernement dans l’intérêt du capital, c’est gagner le retrait du projet de loi contre les retraites et non la démission de Woerth.
On voit bien comment une certaine gauche tente de faire dévier ainsi l’objet de la convergence des luttes, parce qu’elle est en accord avec la droite sur l’allongement de la durée de cotisation qui sabote la retraite à 60 ans, sur les exonérations de cotisations sociales patronales qui sapent le financement du système solidaire (qu’elle a elle-même décidées en son temps).
Une position, juste, pour la suppression du bouclier fiscal (650 millions d’euros détournés vers les plus riches) ne peut pas se substituer à la lutte contre la loi Woerth (des dizaines de milliards d’euros pris sur les retraités et les actifs au bénéfice du capital).
Ceci étant précisé, le cas Bettencourt permet de mieux expliquer nombre de dispositions profondément injustes de la fiscalité qui permet aux super-riches de payer moins d’impôt que des salariés aux revenus modestes. De vraies « niches fiscales » pour abriter les riches que le gouvernement se garde bien de songer à « raboter ».
Ainsi la fiscalité des dividendes d’actions. Ces revenus de ceux qui gagnent leur vie sur le travail des autres, sont beaucoup moins taxés que les revenus de ceux qui travaillent eux-mêmes.
Les actionnaires bénéficient d’un abattement de 40% et d’un abattement forfaitaire de 1525 euros, 3050 pour un couple. Ils n’intègrent donc dans leur revenu imposable que 60% de leurs dividendes, ôtés de 1525 ou 3050 euros. Ils peuvent également déduire 5,8% de CSG. Petit cadeau supplémentaire, leur impôt est diminué de 115 euros pour un célibataire et de 230 pour un couple.
Le salarié n’a droit qu’à un abattement de 10% sur l’argent de son travail (pour frais professionnels). 5,1% de sa CSG est non-imposable.
Au total, cet avantage pour les actionnaires a coûté 2,8 milliards d’euros au budget de l’Etat en 2009.
Mais ce n’est pas tout ! Il ne s’agit là que des dispositions prévues dans l’intérêt des petits et moyens actionnaires. Pour les grosses fortunes, comme Mme Bettencourt qui a perçu plusieurs centaines de millions d’euros de dividendes de L’Oréal, le gouvernement a inventé un autre dispositif plus avantageux encore en 2007. Tiens, qui était ministre du budget ? Woerth !
Les actionnaires ont ainsi depuis 2008 la possibilité d’opter pour un « prélèvement forfaitaire libératoire » de 18%.
Cela signifie qu’ils ont la liberté de choisir, selon leur intérêt, d’être taxés sur leurs dividendes au taux correspondant à leur revenu ou bien au taux « forfaitaire » de 18%.
Cette mesure n’est intéressante, par rapport aux avantages des abattements précités, que pour les titulaires des plus gros revenus dont l’essentiel des revenus devraient être normalement taxés au taux le plus élevé de l’impôt sur le revenu, 40%.
18% au lieu de 40%, taux d’imposition sur la plus haute tranche de revenu : un sacré bonus !
Plus ils sont gros, plus ils profitent. Avec cette disposition, la collectivité aurait perdu au moins 300 millions d’euros en 2009.
Mme Woerth optimisait les placements de Mme Bettencourt en fonction des lois existantes. M. Woerth, ministre du budget s’est appliqué à optimiser les lois dans l’intérêt des millionnaires comme Mme Bettencourt. Belle complémentarité !
Au total, les actionnaires bénéficient de plus de 3 milliards d’euros de cadeaux fiscaux sur leurs dividendes. Pour quelle justification d’intérêt général ? Aucune !
PS : avant le système des abattements, fixé en 2005, existait un autre système, tout aussi scandaleux, celui de « l’avoir fiscal ». Jamais, le gouvernement de « gauche » n’a même essayé de le remettre en cause.